Je viens de lire que la moitié des hommes entre 40 et 70 ans souffrent
de difficultés érectiles. En tant que vieux couillon de 86 ans, je ne
serais donc pas concerné ! C'est à peu près
vrai. Deux fois veuf, je suis pourtant considéré comme célibataire: nous
ne pouvions pas nous marier à l'époque de mes grandes amours. [Oui, en français, amour, délice et orgue sont féminins au
pluriel, comme si les mecs n'y avaient pas droit !] Ma passion amoureuse s'est successivement portée vers deux gars dont l'un a été tabassé à mort et l'autre terrassé par un cancer. Ces désastres, et d'autres, -- j'ai connu la 2ème guerre mondiale à distance, ai participé à la lutte contre le sida --
ont rendu ma vie encore plus précieuse.
En Europe de l'ouest, les conséquences de l'éco-anxiété, de deux pandémies, puis de
la guerre rendent la vie des jeunes hommes très difficile.
Pertes d'emploi, études perturbées, relations amicales et amoureuses
contrariées: tout cela peut occasionner de l'anxiété, une perte de
tonus, voire une dépression et des difficultés érectiles. Or l'impuissance
masculine -- même passagère -- entraîne un sentiment de
honte, alors qu'elle devrait être simplement considérée comme une
maladie. Bien sûr, elle empêche la pratique d'une sexualité
exploratoire, si importante durant la jeunesse. Et à cause de cette
gêne, les gars retardent le moment d''aller consulter un médecin ou un psy.
On constate depuis quelques décennies une baisse de la fertilité du
sperme. Quant à l'étude de l'impuissance masculine, elle figure déjà
dans le papyrus égyptien d'El-Lahoun datant d'environ 2000 avant notre
ère. Selon ce traité de médecine, l'homme qui est incapable d'accomplir
l'acte sexuel doit être soigné, soit avec des médicaments naturels, soit
par envoûtement. Les médicaments sont composés de pommades à base de
plantes, fruits, minéraux ou de produits animaux. Eh oui, aujourd'hui,
on est en train de retrouver des recettes semblables, soit en
comprimés, soit via le comportementalisme.
Revenons au 21
e
siècle. Une autre maladie très contagieuse se manifeste. Celle des gens
qui nient la réalité des catastrophes annoncées, qui n'ont rien à
foutre de la famine dans les pays du sud ni de l'avance des virus, car
ce ne serait qu'une invention de gouvernements despotiques. "Avec moi,
ce qui se passe en Ukraine ne serait jamais arrivé" déclarait l'autre
jour Donald Trump. Sous-entendu, si vous m'élisez président, vous
pourrez continuer votre petite vie pépère comme si de rien n'était.
Putain de merde ! Je reviens à mes expériences. Comme beaucoup
d'humains, j'ai connu des moments difficiles durant ces 86 années.
À l'âge de 7 ans, j'ai appris que mon père avait eu une première épouse
avant ma mère. Cette femme très dépressive s'était suicidée au gaz,
entraînant leurs deux enfants dans la mort. Personne n'a accompagné le
petit garçon que j'étais dans la compréhension et l'assimilation de ce drame. À
partir de cette révélation, j'ai commencé à douter des enseignements
religieux que je recevais quotidiennement... Le jour du dernier soupir
de mon compagnon tabassé, un camarade que j'aimais comme un frère est
mort du sida. Personne, dans mon entourage proche, ne m'a serré dans ses bras. Plus tard, un autre copain atteint du sida que j'avais
accompagné durant trois ans s'est suicidé. Ensuite, mon nouvel amoureux,
auprès duquel j'imaginais vivre jusqu'à ma fin, est mort d'un cancer.
Le milieu religieux dans lequel j'ai été élevé était lourdement homophobe. En
revanche, je n'ai jamais été insulté par mes camarades à l'école ou à
l'université. À l'époque, on imaginait que les "pédés" se recrutaient parmi les artistes. Dans les années 1970, je
me suis engagé avec d'autres gars à lutter en faveur de notre égalité.
Dans les entreprises où j'ai travaillé, les supérieurs étaient suffisamment tolérants pour respecter mon engagement dans le milieu "pédé", devenu "gay", puis
LGBTQ+, puis "queer". Je m'affichais de plus en plus dans
les médias et j'ai subi des attaques. Or, l'avantage de ne pas fonder
une famille, c'est de ne pas lui faire subir vos emmerdes...
Le moteur qui m'a permis de dépasser les épreuves se nomme résilience,
soit la capacité de retrouver l'équilibre et de me développer en dépit
de l'adversité, voire grâce à elle. Cette résilience m'a appris à devenir l'auteur de ce que j'en faisais. Un don que j'ai reçu de mon père à
la naissance.
André
| Un mari pour la vie.
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