"Quand
le sage désigne la lune, l'imbécile regarde le doigt." Proverbe
chinois. En espagnol on ajoute: "Quand l'artiste dessine le dos, le
polisson regarde les
cojones." L'être humain est capable
d'inventer des oeuvres, des pensées et des techniques brillantes. Mais
aussi les pires, les plus destructives. À ses débuts, l'année 2020 nous
promettait le plaisir le plus sensuel qu'un gars puisse espérer;
ensuite elle nous a tous poussés dans le ravin. Pensez:
20-20, c'est la représentation
cryptée, chiffrée, numérotée d'une des plus émouvantes portion de l'anatomie masculine: les fesses. Deux orbes parfaites.
Et
nous, les LGBT+, lorsque nous tenons dans nos bras un être cher --
chair tendue dans l'attente des prochaines étapes du plaisir, quand nous
mordillons et embrassons un cul bien ferme, poilu ou épilé, et
sommes prêts à lui faire subir l'outrage ultime qu'il attend, nous
n'imaginons pas qu'il va nous caquer en plein visage comme l'a fait
l'année 20-20.
Ben alors, au revoir 2020 qui nous a chié dessus ! Quelle diarrhée, cette année...
Mais aussi, et surtout,
que d'enseignements pour ceux qui savent apprendre en chaque situation au lieu de se révolter et de se mettre en danger en sabotant
l'avenir... C'est la troisième crise mondiale que je traverse. J'étais
un enfant en sécurité (en Suisse dite neutre) durant la Deuxième guerre
mondiale. J'écoutais, parfois à leur insu, ce que disaient mes parents
très impliqués dans les événements, chacun/e à leur manière. Puis j'ai
passé une année scolaire en Allemagne à l'âge de 15 ans en 1951, pour
comprendre.
Engagé
dans le mouvement de libération homosexuelle, j'ai suivi au début de la
terreur causée par le sida une formation concernant la prévention. J'ai pu
accompagner et ai vu tomber des camarades sur le champ de bataille. Un
souvenir: Nazim, un ami fraternel, avait été diagnostiqué au début de
1985 sans qu'ont ait les moyens médicaux de le soigner. Transbahuté d'un
hôpital à l'autre, il se trouvait en fin de vie dans une clinique
psychiatrique où j'allais régulièrement lui rendre visite. Ce jour-là, il était assis au bord
du lit dont on avait débarrassé les draps souillés. Une trace brune
reliait ce lit à la salle de bain; le pauvre gars hagard s'était
conchié. L'aide infirmière l'avait douché et nettoyait la douche.
Est-ce
qu'on dit "tu verras, ça ira mieux", un mensonge de visiteur
embarrassé ? Sans réfléchir, j'ai saisi la serpillière pour
nettoyer la matière fécale, puis me suis assis face à Nazim. À l'époque, on ne savait pas
si la salive, la transpiration, l'urine ou les excréments étaient
contagieux. Et il n'y avait pas de gants dans la chambre. Nazim, nu -- ce
gars solide qui avait pratiqué la lutte à la culotte durant
son service militaire -- n'était plus que l'ombre de lui-même. Seuls son
sexe et ses couilles avaient conservé leur dimension. J'ai dit: "C'est
terrible !", il a répété: "Oui, c'est terrible !" Deux jours plus tard,
la clinique m'appelait au bureau. Lorsque je suis arrivé, il avait déjà
lâché son dernier souffle. Son corps était encore chaud.
Sommes-nous
au début, au milieu ou proches de la fin de la pandémie ? Qui veut
croire à une délivrance ferait bien de prendre les précautions
indispensables pour passer les dernières semaines de 20-20 sans se laisser
aller à la négligence de l'été dernier. Pandémie mise à part, cette
année a été celle de tous les dangers, des grosses erreurs politiques,
de toutes les tromperies. Partout, des peuples, des dirigeants, des milieux religieux ont foncé dans le mur. Voulons-nous,
non pas un "futur" -- comme on dit et écrit partout -- mais un avenir
proche plus équilibré ?
Zurück in die Zukunft, comme avant, selon l'expression allemande ? Si oui, à nous d'y participer.
8 commentaires:
si seulement on en avait plein le cul. Mais même pas !
nous pouvons dire de l'année 2020 ce que la Queen élisabeth a dit de l'année 1992 = anus horibilis ! ce qui ne veut pas dire qu'elle a un anus horrible, mais que l'année a été horrible !
En fait de proverbe je dirais bien :" Quand l'imbécile montre la lune le sage regarde le doigt"
Ton texte sur ton ami Nazim m'a ému. Combien d' hommes et de femmes ont été fauchés dans la force de leur jeunesse.
J'ai vu dernièrement le film 120 battements par minute. J'ai vraiment pris conscience du drame provoqué par le sida sur toute cette génération dont je fais partie pourtant. Merci pour tes textes et toujours ces si belles photos. J'adore.
annus horribilis
espérons que 2021 ne sera pas pire! nous ne manquons que la colonisation par des extraterrestres.
Beaucoup ont passé leur temps à vociférer, peu à essayer de réfléchir sur une nouvelle façon de vivre, plus proche de la nature et des autres.
Merci André pour tes publications qui nous invitent à cette réflexion
Les humains seraient peut-être plus solidaires... on peut rêver.
que c'est beau le fessier , je kiffff
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