lundi 8 novembre 2021

Le besoin d'une âme soeur et d'un corps frère pour avancer

 














Dans cette collection de photos, il ne s'agit que de frères, voire de jumeaux.








J'ai reçu de mon père la capacité d'encaisser et dépasser les épreuves. Lorsque sa première épouse et leurs deux enfants sont morts dans des conditions effroyables, son entourage lui a dit: "Tu n'en parles plus, tu oublies..." Au début de la pandémie du sida, j'ai connu le même refrain: "Tu la boucles, on veut pas savoir..." Parmi ceux qui étaient en danger, beaucoup avaient trop peur de la mort pour en parler, ni se faire tester. Les hétéros se croyaient à l'abri du "cancer des pédés". Ils ne nous considéraient pas comme des êtres humains égaux, avec une âme soeur dans un corps frère. Pour eux nous étions des homo-sexuels, pas capables d'amour. Juste des bêtes de sexe axées sur le cul.




Je n'ai pas été humilié à l'école, malgré mon aspect peu viril. À l'époque, on ne connaissait pas d'homos sinon quelques artistes à part. Plus tard, comme les trains de voyageurs qui comptaient trois classes, la société s'est mise à trier. En première: les mâles. En deuxième: les femmes. En troisième: les méprisés. Tant qu'on ne m'avait pas détecté, je vivais en première. Sorti du placard, j'étais déclassé en troisième classe, avec les gitans, les Africains et les autres races méprisées. Race de pédés, connaissiez-vous l'expression ? Aujourd'hui, dans les pays évolués, les citoyens nous considèrent comme des égaux. Ils apprécient la créativité des artistes et écrivains blancs ou de couleur ouvertement gays, comme aussi la compétence de politiciens qui n'ont plus besoin de garder leur orientation secrète.








Je ne regarde pas les matches de foot. Néanmoins les tirs au but vus dans les actualités me fascinent. J'ai l'impression que le ballon choisit lui-même son parcours -- en zig-zag d'un joueur à l'autre -- pour foncer dans la cage. Les équipes ont beau s'entraîner au max pour déjouer l'adversaire, un événement imprévu peut tout bouleverser. Ce sport offre un reflet saisissant de la vie, la vraie, la nôtre. Y compris les embrassements des joueurs qui nous démontrent  jusqu'où peut aller l'expression d'un profond compagnonnage, quasi fraternel.




Un camarade artiste et moi discutions l'autre jour du chemin de vie que nous avons suivi. Comment s'est-il présenté ? Le camarade savait ce qu'il voulait atteindre et a accompli tout ce qu'il fallait pour y parvenir. Il a quitté sa famille, travaillé pour payer ses études, patienté jusqu'au bord du découragement. C'est un gars comblé, avec deux occupations qu'il apprécie et un compagnon qu'il porte dans son coeur. Moi,  je n'ai jamais su déterminer mon avenir. J'avançais au coup par coup. J'ai compris beaucoup plus tard que mes études et mes professions m'avaient apporté l'expérience dont je bénéficie finalement. C'est mon Esprit allié, dont j'ignorais l'existence (d'autres diraient "mon Ange gardien"), qui m'a conduit et accompagné à mon insu.


À l'âge de 7 ans, j'ai découvert que mon père avait eu une première femme avant d'épouser celle qui allait devenir ma mère. Je lui ai demandé pourquoi je n'avais jamais rencontré cette personne. Très dépressive, elle s'était suicidée dans la cuisine et avait gazé leur fille et leur fils pour leur éviter de devenir orphelins. Après cette explication, Papa ne m'en a plus jamais parlé. J'ai dû débrouiller seul l'écheveau de cette tragédie qui contredisait ce que l'on m'avait appris sur la bonté du Seigneur et l'amour d'une mère. Lorsque j'avais 13 ans, Papa a été excommunié de la secte à laquelle il appartenait parce qu'il avait partagé la communion du Pain et du Vin avec les membres d'autres Églises. Du jour au lendemain, nous avons perdu toute la communauté que nous fréquentions semaine et dimanche. Ces gens, nos proches, nos amis, mes copains n'avaient plus le droit de nous adresser la parole.






Comme mon père, j'ai connu des situations qui secouent. En 1985, alors qu'avec d'autres militants suisses j'étais occupé par la bataille contre le sida, Noël mon grand amour a été tabassé. J'étais près de lui lorsqu'il a expiré. Quelques heures après, Nouri qui était comme un frère, est mort du sida. Son corps était encore chaud lorsque je suis arrivé à la clinique. Ernest, un très cher camarade que j'ai accompagné durant trois ans dans sa lutte courageuse contre le sida, s'est suicidé. Beaucoup plus tard, j'ai retrouvé un amour flamboyant auprès d'Olivier, un gars de 50 ans alors que j'en avais 60. Nous caressions beaucoup de projets. Et j'ai imaginé que je ne serais pas seul au moment d'accéder à la vieillesse. Il est mort d'un cancer cinq ans plus tard. Avec lui, j'avais compris ce que signifie âme soeur et corps frère. 






Lorsque je suivais des cours de médiumnité, plusieurs défunts sont venus à ma rencontre sans que je ne les aie cherchés. Un grand-père que je n'avais pas connu. Ma demi-soeur et mon demi-frère. Puis Olivier pour me dire que je pouvais lui demander de l'aide; et si ce n'était pas dans ses cordes, il dénicherait un compagnon de cet autre monde qui posséderait les connaissances nécessaires. Et cela fonctionne ! Ma mère aussi a tenu à m'encourager dans mes activités de militant gay, elle qui avait tout tenté pour me faire changer d'orientation sexuelle et serait tombée en catalepsie si, de son vivant, elle avait vu les pages de ce blogue... L'insécurité est une forme de libération si on sait la gérer. Je plains les camarades qui ne peuvent pas sortir du placard à cause de leur situation familiale, professionnelle ou religieuse. Ils ne connaissent que de brèves rencontres et n'ont pas l'occasion de rencontrer leur âme soeur amarrée à un corps frère.



Je suis à la retraite depuis 23 ans. J'ai eu l'occasion de suivre toutes sortes d'ateliers de développement personnel; sans m'attarder auprès de gourous. Du tantra au SM, en passant par le yoga et la méditation, je suis arrivé à la médiumnité pour atterrir finalement dans le domaine du néo-chamanisme où je me sens à l'aise. Il ne s'agit ni d'une religion, ni d'un secteur dominé par de grands maîtres autoritaires.  Je pratique de manière très personnelle, sans potions magiques, ni plumes, ni rituels de peuplades lointaines (que je respecte sans avoir besoin de m'approprier leur culture). Et je ne serai toujours qu'un apprenti...

André





































6 commentaires:

Xersex a dit…

Quelle belle histoire ta vie, même si douloureuse !
Une vie qui t'a beaucoup appris. Évidemment, c'était ton propre chemin, établi pour cette existence. Comme tu le sais, nous menons des vies parce que nous devons apprendre certaines choses.
Lorsque nous sommes dans l'au-delà, nous choisissons et/ou on nous choisit une vie avec des critères très différents des humains. Les êtres humains incarnés essaient de ne pas souffrir et de rechercher le bonheur. Mais le critère pour choisir nos vies est de pouvoir progresser spirituellement, pour ne pas avoir besoin de se réincarner. Au de là, nous ne ressentons pas la souffrance. La souffrance n'est pas prise en compte dans les choix de vie.

Alors, cher André, à la fin de ta vie on te demandera (ou tu peux te demander maintenant) ce que tu as appris dans cette vie. L'une des choses que t'as peut-être appris pourrait être de laisser partir les personnes qui t'ont entouré.

Jimmy a dit…

I can relate to many things in this post. I have witnessed suicides from what was then called "GRID", and been expelled from family for being me. Also, I have a spiritual twin (no blood relation) whom we both feel the need to be in touch with each other about four times a year. He is a Buddhist Monk, but, also a follower of "John of God" in Brazil.

unnu a dit…

Quelle densité, quelle richesse, et quelle gravité d'écriture, je suis admiratif.
Merci beaucoup pour cet article .

Oli a dit…

Parmi les nombreuses photos d'éphèbes et de bites, tes paroles sur ton parcours de vie sont très touchantes et parfois inspirantes sur le plan de la Recherche de soi !
Étrange et heureux mélange de désir, de confessions et de superficialité et de profondeurs.
J'espère que tu as écrit tes mémoires ?

CéDé a dit…

Magnifique récit.
Être au lieu d'avoir.
Chapeau camarade.

tipol a dit…

Merci André de nous partager toutes ces confidences, ces épreuves de ta vie. Comment passer au travers sans trop de dégat ? comment revivre après un séjour chez les morts ? comment aimer après les abandons...?
Ton témoignage et ton chemin nous guide dans les écueils de la vie. Partager, échanger sur tout cela c'est déjà faire un pas vers plus de légèreté...