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L'inventeur Nicéphore Niépce a réalisé la première phototgraphie en 1827. Son procédé dit argentique est demeuré la base jusqu'à la fin du XXe siècle. Puis nous avons passé au numérique. Dès le milieu du XIXe siècle, la médecine et les arts ont utilisé ce nouveau sytème pour étudier le corps humain avec plus de précision. Et la chronophotographie d'Eadweard Muybridge (1830-1904) a permis d'analyser les mouvements que notre oeil n'arrivait pas à décomposer avec exactitude. Ces photos étaient considérées comme des objets d'étude; elles n'étaient pas destinées au grand public.
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Au fur et à mesure que la qualité des tirages photographiques est devenue plus précise, elle a permis d'en étendre l'usage au portrait, aux photos
de groupes, aux paysages. Puis à des réalisations artististiques voire érotiques, sinon franchement coquines. À la moitié du siècle, en plus des
tirages de nus, les vues stéréoscopiques pornographiques ont ravi la
clientèle malgré la censure.
Ci-dessus, trois photos du grand acteur américain Burt Lancaster (1913-1949). Il a débuté dans le monde du spectacle en tant qu'acrobate de cirque. Puis, au cinéma, il a incarné d'abord des durs au coeur tendre, cow-boy ou gangster, puis a évolué vers des films plus complexes. En Italie, il a tenu le rôle principal dans Le Guépard (Il Gattopardo) de Luchino Visconti en 1963. Avec Claudia Cardinale et Alain Delon. Un film prodigieux sur le déclin de l'aristocratie sicilienne. Également avec Visconti en 1975 dans Violence et passion, auprès de Silvana Mangano (mon actrice italienne préférée) et Helmut Berger; il a été ce vieux professeur qui se lie d'amitié avec un jeune prostitué. Dans son pays, Lancaster a soutenu notamment le Mouvement des droits civiques. En 1985, il a participé au combat contre le sida, ému par la mort de son ami Rock Hudson.
Né à Antibes (1931), Jean Ferrero qui photographiait ses copains sportifs en amateur est devenu célèbre lorsque des magazines américains lui ont demandé de les déshabiller. Le succès l'a amené à approfondir son art et à choisir ses modèles parmi des athlètes pas trop musculeux, plus "européens". Puis il s'est mis à prendre des portraits de grands artistes comme Picasso ou César. Si je suis bien renseigné, Ferrero est l'un des rares photographes célèbres de la branche à ne pas produire du beefcake.
Revenons à l'époque des premiers photographes de talent qui ont fait connaître notre représentation du corps mâle au monde occidental. Parallèlement ils ont libéré beaucoup d'homosexuels en leur montrant qu'ils n'étaient pas seuls à préférer l'amour au masculin pluriel. Le nu couillu a émergé avec des gars comme le baron Wilhelm von Gloeden, né en Prusse orientale (1856) et mort à Taormina (1931). Dans sa jeunesse, ce noble pédéraste a quitté sa patrie pour s'installer en Sicile afin de soigner sa tuberculose et de pouvoir vivre librement son orientation sexuelle. En prime, il a découvert son talent d'artiste dans ce village ignoré des touristes. Avec l'un de ses parents éloignés, Wilhelm von Plüschow qui résidait à Naples, il a développé sa vision d'une nouvelle Arcadie dans ce qu'il appelait, en français, des "Tableaux vivants".
La renommée de Wilhelm von Gloeden dans le monde des élites homosexuelles de l'époque a rejailli sur Taormina. Elle est devenue l'un de ces lieux où il fallait avoir séjourné. Des écrivains -- citons Oscar Wilde et Gabriele d'Annunzio -- des acteurs, des peintres et d'autres célébrités venaient admirer l'amphithéâtre grec datant du IIIe siècle avant notre ère, avec vue sur l'Etna qui domine à 3350m. d'altitude.
Lorsque je me suis rendu à Taormina, jeune stagiaire rédacteur dans un quotidien, c'était pour soigner mon allergie au papier (cocasse pour un journaliste...) qui provoquait des crises de toux inextinguibles. C'était en février au début des années 1960; je logeais dans un petit hôtel en bord de mer. Le soir, la patronne allumait un feu au salon pour ses quatre ou cinq clients tous aussi célibataires que moi. Elle nous parlait des hôtes anglais ou français célèbres qui nous avaient précédés. Parmi eux André Gide qu'elle décrivait comme un homme réservé pour lequel l'âme humaine n'avait pas de secret, le contraire d'un Sicilien, affirmait-elle.
André.