dimanche 1 janvier 2023

Fenêtres ouvertes sur la vie homo depuis la montée du nazisme





J'ai décidé de passer en revue les 86 premières années de ma vie, dans le désordre et en plusieurs épisodes... Comment le monde a évolué, pour nous les gays, entre la veille de la deuxième guerre mondiale et le début de celle qui nous affecte actuellement. J'ouvre une première fenêtre: nous sommes en 1935 et j'observe mes futurs parents en voyage de noces. (Certains passages de ce texte pourront crisper les lecteurs qui ne croient pas en un autre monde, et ni à la médiumnité ou au chamanisme que je pratique tous deux.)






La mère et le père qui me seront alloués sont en maillots de bain, assis au bord de la mer. Ils ne savent pas que je les observe, à quelques mètres derrière eux. Je comprends que j'hériterai non seulement de leur gènes, mais aussi de leurs expériences, bonnes ou tragiques. J'en suis conscient à ce moment-là, mais l'oublierai à ma naissance. Avais-je la possibilité de choisir d'autres géniteurs ? Je ne sais plus. De choisir mon orientation sexuelle ? Je crois qu'elle ne dépend pas d'eux, mais de ce que j'ai vécu dans une autre vie, en Turquie.


Je suis né en 1936, une époque marquée par des retours en arrière dans l'évolution du mouvement homo. Particulièrement en Allemagne où il a été réprimé par les nazis après des années d'évolutions positives... Et je suis encore en vie en ce lundi 26 décembre 2022 où je lis, dans un journal américain, l'histoire du prêtre new-yorkais Louis Gigante qui gérait, dit-on, la construction de milliers de logements pour les pauvres. Or il était millionnaire et frère d'un gangster. Après sa mort en octobre dernier, on a découvert qu'il avait légué la majorité de sa fortune à son fils de 32 ans. Et lui-même était accusé de plusieurs abus sexuels commis sur des enfants.






Revenons à l'entre-deux-guerres. Des mouvements militants se développaient en Allemagne pour obtenir la suppression de l'article 175 du code pénal condamnant l'homosexualité masculine depuis 1871. (Cet article n'a été supprimé qu'en 1994 !!!) Dans ses débuts, le fascisme boche exaltait la virilité incarnée dans le machisme et l'homo-érotisme. Plusieurs leaders du nazisme, d'abord bien intégrés, furent ultérieurement condamnés et certains exécutés après l'accession au pouvoir d'Adolf Hitler. Sur les 100'000 homos fichés, on estime que 5000 à 10'000 ont péri dans les camps de concentration. Certains d'entre eux parce qu'ils étaient maltraités par leurs codétenus et les gardiens.




Sorti sur les écrans en 1972, le musical américain Cabaret reflète la situation à Berlin à la fin de la République de Weimar. J'avais lu plusieurs livres de l'auteur anglais Christopher Isherwood qui avait migré à Berlin en 1930 pour vivre ouvertement son homosexualité. Le film est basé sur ses deux romans berlinois Mr Norris Changes Trains (1935) et Goodbye to Berlin (1939). Il n'y signalait pas son orientation sexuelle, ce sont les auteurs du musical qui ont fait plus tard du personnage masculin joué par Michael York un gars bisexuel. Ce qui n'a pas dû gêner l'actrice principale Liza Minelli dont le père et l'un de ses maris partageaient notre préférence.
















L'évolution de l'épisode berlinois narré dans ces deux livres a évolué dans une pièce de théâtre (que j'ai vue à New York), puis une comédie musicale pour le théâtre, assez différente de ce qu'a finalement raconté le film. En 1938, Isherwood et le poète W.H. Auden ont quitté l'Allemagne nazie et se sont rendu en Chine qui était en guerre contre l'occupant japonais. Ils ont rédigé leur reportage sous forme de livre. Après leur reportage en Chine, les deux copains se sont rendus aux États-Unis où Auden a trouvé l'amour de sa vie et Isherwood obtenu la nationalité américaine et rencontré plus tard le très jeune Don Bachardy dont j'ai fait le portrait dans Case des hommes.



J'ai été attiré par les bouquins d'Isherwood sans savoir qu'il était gay. A Single Man (1964) m'a révélé pourquoi. Le roman décrit une journée de George, un Anglais professeur à Los Angeles. Il vient de perdre son jeune amant, tué dans un accident. Les différentes rencontres que George fait durant cette journée lui permettent d'endurer son malheur. Ce livre m'a accompagné après la mort de mon propre compagnon qui a été tabassé. Et, le même jour, le décès d'un cher camarade, terrassé par le sida. Les seules paroles de soutien reçues à cette époque sont venues de femmes sans liens de famille avec moi.






Actrice et écrivaine, Erika Julia Hedwig Mann (1905-1969), fille du grand auteur Thomas Mann, vivait à Berlin et se permettait de critiquer ouvertement le national-socialisme. Lorsqu'on l'a menacée de lui retirer sa nationalité allemande, elle s'est réfugiée en Suisse. C'est là que W.H. Auden, le poète anglais l'a épousée pour lui offrir la nationalité britannique. Elle lesbienne, lui homo, ils n'ont jamais vécu ensemble. Durant la guerre de 1939 à 1945, elle a travaillé comme correspondante de guerre pour la BBC. Ensuite, elle a couvert le procès de Nuremberg avant d'aller retrouver ses parents exilés aux USA. Puis elle les a suivis en Suisse.




Sa vie et celle de son frère Klaus sont entrelacées de nombreuses histoires d'amours réprouvées à l'époque. Écrivain et auteur de théâtre, Klaus s'est suicidé à 42 ans à Cannes. Leur père, n'a évoqué son attirance envers les hommes que dans ses Notes quotidiennes du soir à n'ouvrir que vingt ans après ma mort, bien qu'elle apparaisse clairement dans La mort à Venise et dans Tonio Kröger que j'ai lu dans les cours d'allemand à l'école.Thomas Mann est mort à 80 ans, en 1955 à Zürich.

André






























10 commentaires:

Anonyme a dit…

Merci pour ces rappels historiques , et ces belles photographies
Bonne et heureuse nouvelle année à vous !

Jean a dit…

Bonjour j adore ton blog félicitations
Je suis conscient de mes attirances
Masculines depuis 10 ans toujours marié ce qui n empêche pas de belles rencontres encore merci et bonne année

renepaulhenry a dit…

Une bonne année et surtout la santé.
Et pleins de billets où tu nous racontes et nous montres les hommes dans ce qu'ils sont au plus profond d'eux-mêmes..
Prends soin de toi.

RPH

Xersex a dit…

Tout ce que t'as écrit, cher André, est très intéressant et instructif. Quant au premier paragraphe, celui sur tes parents, comme tu le sais sûrement, notre vie et nos parents sont choisis pour que nous traversions une certaine vie et pour évoluer à travers des expériences dont nous avons besoin pour progresser. Notre Esprit Guide, qui dans la tradition chrétienne et catholique est appelé Ange Gardien, nous aide dans le choix de la vie suivante et nous soutient tout au long de notre existence. A la fin de chaque vie, nous évaluons avec lui les progrès réalisés et ce qu'il nous reste à surmonter. Je suis profondément convaincu de ce que j'écris.

Bonne année à vous et à vos lecteurs!

André a dit…

Merci les gars pour vos bons voeux !

Xersex,
Je suis totalement d'accord avec toi. Ce que j'ai hérité de mes parents m'a en effet permis de progresser et, par exemple, de mieux réagir à la mort violente de mes deux grands amours qu'on ne le faisait à une autre époque. J'ai eu des contacts avec mes défunts, parents et amants, durant lesquels ils m'encourageaient et m'offraient leur aide. En tant que médium et chamane amateur, je nomme celui que tu appelles ton Ange Gardien mon Esprit allié -- oui il est allié et j'ignore si il est ailé... Comme ton Ange, il est mon soutien; je le consulte et il me répond par écrit. Il me guide aussi par des synchronicités.

Élevé dans un protestantisme évangélique étroit, j'ai été sidéré lorsque ma mère m'a encouragé, depuis l'autre monde, à poursuivre la publication de mon blogue. Je n'avais pas besoin de son avis, mais de découvrir la largesse d'esprit qu'elle avait gagnée là-bas m'a permis d'envisager la mort de façon totalement joyeuse. Si maman avait vu mon blogue ici-bas, elle aurait suffoqué...

Xersex a dit…

À mon avis, il ne faut pas trop chercher les soi-disant défunts, car ils continuent leur chemin, peut-être avec d'autres incarnations. Se tourner vers eux pourrait les détourner de leur chemin.

André a dit…

Xersex,

Une fois de plus, je suis totalement d'accord avec toi. Ce n'est pas moi qui décide qui je vais rencontrer, ce sont eux, ou peut-être d'autres personnes qui s'approchent, parce qu'ils ont un message.

Xersex a dit…

sinon, ce serait notre égoïsme. Et ce n'est pas bon.

David Jean-Félix a dit…

Merci pour ce rappel de l'histoire. Je pense que c'est ce qu'il manque de nos jours, des témoignages.

Anonyme a dit…

Je trouve que cette année 2023 commence bien en lisant ton histoire agrémentée de belles images. Les autobiographies m'ont toujours intéressé car elles décrivent que l'éducation est souvent la cause de notre orientation sexuelle, que certains parents ne veulent pas l'accepter et rejettent leurs enfants. C'est seulement après la mort brutale d'une partie de ma famille - dont ma mère - dans un accident de voiture quand j'avais 27 ans étant libéré de son joug que j'ai découvert mes capacités à vivre et comprendre à 74 ans pourquoi j'ai été rejeté par beaucoup de personnes - sauf une vrai amitié avec un garçon qui aura duré 55 ans avant que la camarde fasse son œuvre. Je vais continuer à suivre ton histoire. Prend soin de toi et que cette année soit jalonnée de bons moments