dimanche 19 mars 2023

Jean Cocteau dessine, peint, filme et écrit sans fausse pudeur


L'acteur et le poète.



C'est la vie de deux artistes qui ont développé l'art d'aimer de nombreux hommes tout en restant attachés l'un à l'autre et en développant leur passion des arts. Entre Jean Cocteau (1889-1963), créateur le plus hétéroclite de son époque et Jean Marais, devenu un acteur populaire de l'après-guerre (malgré l'homosexualité qu'il ne cachait pas) la différence de 24 ans n'a pas posé de problème. L'aîné était à la recherche d'un comédien aux traits d'éphèbe et, parmi les nombreux gars auditionnés ce fut l'autre Jean: "Je ne l'ai pas connu, je l'ai reconnu".



Les deux Jean sur la Côte d'Azur en 1939.





Le jeune comédien maladroit et à la voix peu virile témoigne: "Je suis né deux fois, en décembre 1913 et ce jour de 1937 lorsque j’ai rencontré Jean". Dans Œdipe Roi l'auteur avait modernisé le mythe et l'acteur se fit huer. Peu importe. L'aîné tombe amoureux et le déclare. Le cadet répond que lui aussi... C'est un mensonge pour obtenir un rôle. Finalement, il sera séduit par les multiples talents de Cocteau. Le Pygmalion et son protégé s'installèrent dans un appartement et le cadet qui officia à la cuisine. Jusque-là, Cocteau n'avait jamais quitté sa mère. Il fumait de nombreuses pipes d'opium malgré plusieurs cures de désintoxication.




Je ne me compare à aucun des princes de la terre.










L'auteur entreprend l'éducation culturelle de son amant. "Quand j’ai rencontré Cocteau, je souffrais de me sentir imbécile. J’avais un énorme complexe. Très vite, il me l'a enlevé en me montrant que la bêtise n’était pas ce que je croyais: je la confondais avec l’inculture." Ensemble, ils fréquentent de Proust à Picasso, le grand monde de la littérature et de la peinture. Et aussi celui de la danse. Peu à peu, l'acteur acharné devient un espoir du théâtre. Et dans Les Parents terribles, il est vivement applaudi. "Il était déjà dans sa loge, déshabillé. Il a fallu qu’il remette son costume, et il a eu droit à une trentaine de rappels."




Les matelots Marcel et Pierrot en 1931.



 La deuxième Guerre mondiale envoie Jean Marais au front. "Tu es ma patrie" lui écrit Cocteau, effrayé de le perdre. Après la débâcle, le soldat retourne à Paris. Les deux Jean se font étriller par un journal collaborationniste et antisémite. Puis l'acteur prend ses distances vis-à-vis de son mentor et se lance dans la mise en scène de théâtre. Pour Britannicus de Racine, il exécute aussi les costumes, les décors et incarne le personnage de Néron. Cocteau développe sa créativité dans le cinéma -- revoyez L'Éternel retour -- et réserve de splendides rôles à son ami comédien qui devient le jeune premier athlétique préféré de ces dames, mais pas que d'elles...



Tournage du "Testament d'Orphée".





En compagnie de George Reich.



Les carrières d'abord communes puis de plus en plus dissociées des deux hommes vont continuer à se développer et s'approfondir magnifiquement. En 1950, Cocteau s'attache à "Doudou" le jardinier de leur demeure à Milly-la-Forêt, tandis que Marais s'engage dans une liaison avec le danseur étoile George Reich. Elle s'achèvera au bout de neuf ans par une rupture très douloureuse. Ce qui l'amènera au bord du gouffre. Après avoir tourné dans de nombreux films, il entrera dans la zone du déclin professionnel et des dettes monstrueuses étant donné son train de vie. Il se retirera de la vie mondaine et deviendra un potier doué. 

André


L'éphèbe Jean.




Portrait de George par Jean.

P.S. Permettez un souvenir personnel. En 1962,  j'ai 26 ans et je rencontre un homme qui va compter dans ma vie. Philippe est chirurgien, 17 ans de plus que moi et, ce que j'ignore, père de famille, divorcé, fraîchement remarié. Durant notre première nuit ensemble, il dort paisiblement, je reste éveillé et Moon River -- la mélodie du film Diamants sur Canapé (Breakfast at Tiffany's) que je viens de voir -- tourne dans ma tête. Lorsque nous passons un premier week-end ensemble, à Paris, nous allons dîner dans un restaurant qui accueille volontiers notre genre. À la table à côté, Jean Marais s'entretient avec un beau garçon que j'imagine danseur. Ce n'est probablement plus George Reich...



En 1978.










1 commentaire:

Xersex a dit…

Très intéressant et je suis ravi des magnifiques dessins de Jean Cocteau