Dans son étude intitulée
Phallos, Sacred Image of the Masculine
parue en 1987, le psychiatre Eugene Monick, diplômé de l'Institut C.G.
Jung de Zurich, né en 1929, raconte le souvenir de sa première rencontre
avec le phallus paternel. Un beau matin d'été, alors que sa mère
préparait le petit déjeuner, le gamin de 7 ans s'était glissé dans le
lit où son père ronflait. Décidé à explorer un mystère, il tenait en
main une lampe de poche qu'il a braquée sur le sexe nu du dormeur. "Il y
avait là, dans ces organes, une image que je n'avais jamais vue et qui
représentait un autre monde" que l'enfant curieux pressentait sans en
connaître les contours.
Tout à coup, la masculinité lui faisait face dans sa pure nudité. Ce fut
une révélation. "Ces organes étaient ceux de mon père et à travers eux
je devenais quelqu'un. [...] Lui et moi étions unis dans une identité
masculine aux racines lointaines." Alors que le garçon grandissait, son
père a maintenu une distance respectueuse entre eux. "En vieillissant,
je me rends compte que je lui ressemble plus que je ne l'imaginais.
[...] Parfois en me rasant, j'ai l'impression qu'il me regarde à travers
le miroir." "Avec sa présence ce matin-là au lit, il m'a offert quelque
chose sans même prendre conscience de l'importance que cela
représentait pour moi, combien j'en avais besoin." De plusieurs
manières, la découverte du sexe de son père a désigné un modèle de
référence ultérieur dans sa recherche de psy jungien durant un
demi-siècle concernant la corrélation entre sexualité et spiritualité.
Je suis né en 1936, il y a tout juste 85 ans, et je n'ai pas eu la
possibilité de découvrir la nudité de mon père lorsque je me glissais
dans le lit parental. Durant mon enfance, il portait une chemise de nuit
et j'essayais bien de me rouler par terre lorsqu'il se rendait à la
salle de bain pour apercevoir ce qui était tabou. C'est peu de temps
avant sa mort, alors que j'aidais papa à se doucher, que j'ai pu
observer à quoi je ressemblerais à son âge. Il avait 82 ans et moi 41.
Mais ce n'était plus une exploration, simplement un renversement de
rôle. Car depuis l'adolescence, j'avais vu des milliers de mecs à poil,
bandant ou non, à travers le monde.
Lundi de cette semaine, en attendant mon tour aux Urgences de l'hôpital
le plus proche, j'ai eu le temps de faire un retour sur ma vie. J'ai
placé mon masque sur les yeux et médité au milieu du va-et-vient,
demandant à mes esprits
alliés (anges gardiens et conseillers) ce que je pourrais tirer de cette
expérience.
C'était pourtant clair, mais dans la hâte je n'y avais pas pensé.
J'étais tombé du haut d'un escabeau en
métal alors que je taillais des branches. Une entaille de 2 cm sur la
tempe, très
proche de l'oeil gauche, saignait abondamment. Une blessure à
la cuisse aussi. Pourtant, l'escabeau ne m'avait pas éborgné, quel
miracle... Le Destin m'accordait
encore un peu de temps sur cette terre. C'est un cadeau dont je suis très reconnaissant; il a illuminé ma semaine.
La suite de la méditation ne m'a pas ramené aux salles d'attente où j'ai
accompagné des gars mal en point, sinon attendu qu'on m'amène à leur
chevet de mourant. Les souvenirs qui remontaient concernaient mon père.
Je l'ai revu dans la chambre où reposait ma mère après ma naissance. Il
était irrité parce qu'elle ne pouvait pas me donner le sein. Maman était
sa deuxième épouse; la première, très dépressive, s'était tuée et avait
gazé en même temps leurs deux enfants afin qu'ils ne deviennent pas
orphelins. Je suis né trois ans plus tard. Vous pensez: comment le
poupon André a-t-il pu enregistrer cette scène ? Un médium parmi mes
amis que j'ai interrogé sans la lui raconter a vu la même chose. Seule
différence entre nous: selon moi, papa tournait le dos à maman; selon
lui il la regardait.
Autre souvenir réapparu dans la salle d'attente des Urgences: papa me
relatant ce drame alors que j'avais 7 ans et venais d'apprendre qu'il
était "veuf". Ensuite, il ne m'en a plus jamais parlé. J'ai compris que
je ne pouvais pas lui poser de questions. Comment son Dieu de justice
avait-Il permis ce crime ? Lui dont nous lisions la Bible tous les soirs
avant de Le prier à genoux, les bras appuyés sur les chaises de la
salle à manger (ce qui me dégoûtait car j'imaginais tous les pets
qu'elles avaient emmagasinés). Comment une mère pouvait-elle tuer ses
enfants ? Pourquoi un père s'absentait-il au travail au lieu de les
protéger ?
Puis papa a fait mon éducation sexuelle au cours d'une promenade. La
totale, sans la partie plaisir. Plus tard, lorsque les poitrines des
hommes à la plage ont commencé à m'intéresser, je lui ai demandé
pourquoi certaines étaient poilues et d'autres pas. Il ne savait pas.
J'ai attendu une réponse qui n'est jamais venue, comprenant qu'il
fallait me débrouiller seul. Pareil lorsque sont apparues les
spécificités de l'adolescence d'un petit gars...
En méditant aux Urgences, j'ai pu établir le lien entre les silences de mon
père -- lui qui n'avait pas été soutenu dans son triple deuil -- et ma propension à
m'apitoyer sur les drames des autres, non sur les miens. Par exemple, les
très douloureux moments que mes mecs ont traversés avant leur mort et pas mon chagrin après. À mon père, ses proches avaient dit: "Tu oublies et tu
n'en parles pas !" Moi non plus, je n'ai pas ressenti de sympathie réelle lors de mes deuils, ni de soutien dans mes combats en faveur des LGBT. Pour mon entourage j'étais un pédé, pas vraiment un être humain... Mon père, lui, m'a donné tout ce qui était en son pouvoir; néanmoins son drame l'a lesté d'un gros poids durant toute sa vie.
Au bout de trois heures
d'attente aux Urgences, j'ai été convoqué pour les soins. On m'a pansé, suturé et vacciné contre le tétanos. Deux jours après, j'étais vacciné contre le covid. Je me sens tout léger.
André
| Fake cover.
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5 commentaires:
Très interessant comme d'habitude ici chez toi!
Heureux de lire que cette malencontreuse chûte n’ait pas de fâcheuses conséquences. Les points de suture fondent assez rapidement! Les souvenirs de toute nature, moins. D’y avoir accès après huit décennies relève de la grâce et de l’exploit. Bonne continuité sur le plancher des vaches autant que possible 😉
Du haut de mes 54 ans, je reste impressionné par votre tempérament!
Aussi, j'en profite pour vous remercier de cette générosité liée à la vie d'un tel blog!
Et bon rétablissement!
François B92
heureux de te voir dans la dernière image!
Bonjour André
je reviens d'un temps d’arrêt, et je découvre que tu t'es fait mal, comment vas tu?
t'es tu bien rétablit?
soigne toi bien et fait attention à ne pas te mettre en danger avec des travaux d’acrobate
je te souhaite en bonne santé
et t'envoie pleins de bises salvatrices
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