C'était
une plage naturiste avec zone gay. Aucun gars ne présentait son
certificat de vaccination avant d'entrer dans la forêt qui la borde pour
trouver un peu d'ombre et d'autres mecs en quête du même clair-obscur !
Alors que nous avions oublié l'affligeante pandémie tant le soleil nous
échauffait, nous nous retrouvons cet automne loin des zones de bronzage
et de natation. Et ceux qui avaient méprisé le vaccin l'hiver dernier
découvrent maintenant peut-être l'atteinte du covid ou la morsure du
singe.
Les
mâles qui ont des rapports sensuels et sexuels avec d'autres mâles,
rendent la planète plus gaie et enchantée. Mais il faut le reconnaître,
la jouissance se conjugue mal avec la prudence. Elle nous coûte en terme
de dépistages et de traitements des maladies virilement transmissibles.
La situation est encore plus compliquée pour les hommes bisexuels. Dans
ma jeunesse, beaucoup de gays se fourvoyaient dans un mariage hétéro
pour échapper à la persécution. Aujourd'hui, les vrais bisexuels peuvent
épouser une femme 1) parce qu'ils l'aiment et 2) qu'elle est assez
intelligente pour leur concéder quelques écarts du côté mecs et 3)
qu'elle préfère une compétition masculine à des maîtresses.
Confusion.
Malgré
les progrès accomplis dans les sociétés occidentales, notre situation
d'hommes gays est encore fragile -- j'allais écrire "branlante". La
cacophonie que connaissent les USA, le tohu-bohu en Italie ne laissent
rien présager de rassurant. Et la variole du singe a fait ressurgir les
attaques homophobes alors qu'elle n'est pas limitée à notre orientation.
Si, dès cet automne, nous devions retrouver des situations de
confinement, nous allons sérieusement comprendre l'importance de la
santé mentale dans nos vies. Ce n'est plus une spécialité d'illuminés.
Des techniques multiples sont à notre portée, à chacun de choisir celles
qui lui conviennent.
On
peut s'y exercer seul, ou avec des proches. Et découvrir que l'amour
qu'on apprend à exercer envers soi-même nous rapproche en même temps
d'autrui. Ceci, autant dans la vie courante que dans le respect de
notre corps. Lui qui nous accompagne durant tant d'années -- avec plus de
bénéfices si nous le soignons intelligemment -- dispose de grands
moyens pour nous cultiver, nous élever, nous ennoblir sexuellement. En
cas de solitude, de confinement renouvelé, demandez à votre main de vous
ouvrir des voies inédites et stupéfiantes...
La Foire allemande du livre s'est
déroulée la semaine dernière à Francfort. L'hôte d'honneur
était l'Espagne et le roi Felipe, accompagné de son épouse, est venu
inaugurer le stand des auteurs ibériques traduits en allemand. Autre
événement de la foire: l'attribution du prix allemand 2022 du livre -- d'une dotation de
25'000 euros -- à
l'écrivain/e suisse Kim de l'Horizon pour son premier ouvrage intitulé Blutbuch (publié
en juillet par DuMont). Né/e Dominik Holzer en 1992 à Ostermundigen
près de Berne, l'auteur/trice ne se considère ni homme ni femme, bien au
contraire, ile vit dans la non binarité; ile a
étudié la littérature allemande, le cinéma et le théâtre à Zurich, puis obtenu le Bachelor of Arts en écriture littéraire à Bienne.
Je n'ai lu que les dix premières pages de Blutbuch et, si jamais
ce livre plein de jeux de mots devait être traduit en français, il
faudrait que ce soit par un/e acrobate des deux langues. Le titre signifie Le livre de sang, mais laisse aussi
entendre qu'il s'agit du hêtre aux feuillage pourpre. Durant son discours de remerciement pour l'attribution du prix, Kim de
l'Horizon a commencé à se raser une mèche de cheveux en déclarant: "Ce
prix n'est pas
seulement pour moi", exprimant ainsi sa solidarité avec les femmes
iraniennes qui prennent actuellement beaucoup de risques. Il estime que ce prix pourrait aussi être un signe politique alors que les corps non masculins sont encore discriminés et tant de
droits restreints.
Dans le premier chapitre de Blutbuch, un/e narrateur/trice non binaire fait l'inventaire des défauts et
des qualités des membres de sa famille, y compris de celles
et
ceux à qui ile n'a pas révélé officiellement "cela", c'est à dire son identité, mais devant qui ile s'est parfois
présenté/e avec du maquillage. Ile a grandi
dans un milieu besogneux et vit maintenant à Zurich où ile se sent à l'aise
dans son corps et sa sexualité. Lorsque sa grand-mère tombe dans la
démence, ile commence à explorer son propre passé et se demande
pourquoi ile ne se souvient que de quelques épisodes de sa propre
enfance. Qu'est-ce qui s'est passé lorsque la sœur de la grand-mère a
disparu et pourquoi la grande-tante est-elle morte si jeune ? Ile se
révolte contre la culture du silence imposée par sa propre mère. [Cela me touche parce que je me demande aussi pourquoi
mon père et son père n'ont jamais évoqué leur jeunesse.]
Kim de
l'Horizon a longtemps travaillé sur son
texte. "Je cherchais quelque chose qui n'existait pas. Beaucoup de difficultés se sont mises en travers du chemin: c'était lié à ma famille et à ma culture. J'ai d'abord dû me soigner par l'écriture." Finalement, sa poétique n'est pas
une auto-thérapie, mais une thérapie collective "et c'est précisément ce
que j'offre à ceux qui veulent lire mon livre." Dans le roman comme dans sa vie, le silence tient un rôle important. "Mon corps a grandi sous des manteaux de silence.
Nous avions beaucoup de difficulté à comprendre et résoudre les problèmes hérités des générations précédentes."
"Il
y a tant de mystères enveloppés dans le silence parce que nous n'avons
pas de contact ni de ressources pour travailler sur la douleur, pour
laisser la douleur s'exprimer. Le silence est comme une armure qui
emprisonne nos douleurs." Or voilà que, depuis l'octroi de son prix, Kim de
l'Horizon fait l'objet de nombreuses attaques et menaces en Allemagne. Elles proviennent de personnes qui se laissent empoisonner par leurs propres douleurs et les déversent sur autrui. Les éditions Dumont ont fait appel à un service de sécurité pour assurer la protection de l'écrivain/e.
Voici un échantillon des remarques haineuses. "Si l'auteur avait été hétéro et de race
allemande, il n'y aurait pas eu de prix, ni de si nombreuses louanges
dans les médias." "Tout le monde ne voit pas forcément, dans un pissoir
cassé et recollé, un hommage à Marcel Duchamp. Mais certains oui." "En
tant que personne binaire, j'ai trouvé le contenu répugnant. L'auteur
doit avoir un immense problème psychique." "Cet ouvrage est très
important parce qu'il incarne l'imbécilité de notre société queer. C'est
un livre dégueulasse qui devrait être interdit. Une propagande woke,
perverse et malade." "Dès lors que les homosexuels et les transgenres ne
dérangent plus personne, place aux binaires. Qui gagnera le prochain
prix ? Un roman sur le sexe avec des appareils ménagers ?" Je vous fais grâce des fulminations les plus
ordurières et menaçantes.
Si l’on se sent
non binaire, on peut se concevoir en même temps mec et nana, sinon un
mélange ou aucun des deux. Notre société ne reconnaît en principe que deux
genres. Elle doit maintenant apprendre et comprendre ce qu'est la
fluidité entre ces deux catégories ainsi que découvrir la non-binarité; elle a toujours existé, mais on ne l'acceptait pas, la traitant de
maladie mentale. S'affirmer non binaire, c'est faire connaître son identité
de genre. Se classer parmi les queers, c'est indiquer son orientation
sexuelle. Il y a des occasions où un/e non binaire peut se sentir plus
femme ou plus gars sans du tout être transgenre. L'important est
d'être soi-même et bien accepté.
Les États-Unis sont un pays de contrastes inimaginables. Deux exemples. 1) Celui de l'époustouflante fête qu'est le Burning Man
organisée chaque année dans le désert au Nevada. Après deux ans
d'interruption due au Covid, elle a repris de plus belle cette année du
28 août au 5 septembre. Si je ne me trompe, la fréquentation
s'élève à plus de 70'000 personnes qui forment une communauté culturelle
-- autant cul que ture -- temporaire. 2) En deuxième partie du blogue,
nous ferons la connaissance d'un ambassadeur qui s'implique dans plusieurs
causes, dont l'une nous concerne beaucoup.
Temples où méditer: ils...
...seront détruits par le feu le dernier jour.
Depuis 1990, la cité éphémère nommée Black Rock City se reconstruit
chaque année selon la créativité de quelques participants qui en ont les
moyens financiers. Certains sont assez friqués pour créer ou faire construire des œuvres
hors normes qui s'y baladent, ainsi que les temples et l'homme en bois,
lui qui domine l'ensemble et sera brûlé. On y vient de
loin, même d'Europe et d'Asie.
L'invention personnelle ne connaît aucune limite, si ce n'est qu'elle
doit respecter celle d'autrui. C'est la fête païenne qui a enfin retrouvé sa
légitimité. Pas de jugement sur les déguisements les plus étonnants, ni
sur la nudité tant qu'elle n'est pas violente, ni violeuse. Pas de
racisme, d'homo- ou de transphobie. Beaucoup de sororité et de
fraternité, de méditation et d'acrobatie. Pas de commerce, mais du
bénévolat et de l'entre-aide. Pour celles et ceux qui le recherchent,
c'est l'occasion de sympathiser en profondeur avec des inconnus, de
rire, de s'attacher, de s'étreindre moralement et physiquement. Et se
promettre, bien sûr, qu'on se reverra.
La cité éphémère devient l'une des villes les plus
peuplées du Nevada, puis disparaît totalement en retournant à la poussière de son sable remué par le vent. Tout est détruit et nettoyé. C'est beau, c'est fou, mais néanmoins irresponsable dans un monde qui devrait se focaliser sur la préservation des ressources et des énergies de base, ainsi que sur le partage avec les plus démunis...
La mante religieuse, en 2010.
Oui, "I Am What I Am" (Je suis qui je suis) m'obsède, parce que c'est notre cantique, à nous les LGBTQI+. Cette version a été enregistrée en 1993, trois ans après que l'Office mondiale de la Santé ait retiré l'homosexualité de sa liste des maladies.
Les États-Unis et la Confédération helvétique dépassent en importance et
ascendant les limites de leurs propres frontières. Les USA s'étalent de l'océan
Atlantique au Pacifique, la Suisse entre trois lacs qu'elle partage
avec l'Allemagne, la France et l'Italie. Depuis 40 ans, l'ambassadeur
américain à Berne [capitale de la Suisse] et à Vaduz [du Liechtenstein] est
choisi par le président en exercice. Donald Trump y a placé le
républicain Edward T. McMullen de 2017 à 2021. Puis Joe Biden a proposé
la nomination de Scott Miller, un généreux donateur du parti démocrate,
aux différentes instances du Sénat qui l'ont approuvée en décembre
dernier. Le 11 janvier 2022, l'élu présentait ses lettres de créance au
président de la Confédération Ignazio Cassis; puis le 16 février à Alois
von und zu Liechtenstein, prince héréditaire de La Principauté.
Edward T. McMullen.
Scott Miller.
Dans un entretien diffusé par la Télévision romande [de langue
française] le nouvel ambassadeur a passé en revue la situation
politique. Puis il a confié ses craintes face à la situation actuelle
aux USA. Concernant la révocation du droit à l'avortement par la Cour
suprême, il a déclaré que cette décision ne reflète pas l'opinion
américaine. Il a ajouté qu'une autre disposition pourrait suivre.Question de l'animatrice:
"Votre mari et vous-même êtes des militants très influents de la cause
LGBT. Est-ce que le prochain décret pourrait concerner le mariage pour
tous ?" Réponse de Scott Miller: "Absolument. Mon mari Tim Gill
-- qui est sans doute la personne la plus gentille et la plus
intelligente que je connaisse -- et moi-même n'avons jamais nourri
l'illusion que nos droits seraient éternels. Nous devons continuer à
travailler pour que chaque personne bénéficie de chances égales, du
droit à la dignité et d'épouser qui elle aime."
Scott Miller et Tim Gill.
La fondation du couple a versé pas moins de 3,6 millions de dollars à des
politiciens du parti démocrate en quête d'élection, notamment Hillary Clinton. Ensemble, Gill et
Miller ont déployé une très large activité accompagnée d'au moins $ 500
millions (selon le magazine Rolling Stone) pour soutenir les
droits des LGBTQI+ à travers les États-Unis. Tim Gill, 69 ans, a édifié sa fortune dans la programmation informatique. Scott
Miller, 43 ans, a été vice-président du Wealth
Management de l'Union de Banques Suisses à Denver. Durant la pandémie du covid,
il a géré la distribution de 5,6 millions de repas à ses concitoyens du
Colorado dans le besoin. Le couple s'est marié officiellement en 2009, à une époque où les États américains, les uns après les autres, annulaient la loi l'interdisant. Le mariage pour tous a été instauré au niveau national en 2015.