Les textes de Gustave Roud envoûtaient ses lecteurs de façon pénétrante, avec douceur. Et l'on ne se rendait pas compte que l'auteur décrivait la fin d'une ruralité paisible qui serait peu à peu remplacée par une ruralité industrielle, tant dans l'élevage du bétail et de la volaille que dans l'agriculture. Poète du terroir, Roud marchait dans la campagne jour et nuit. On l'imaginait vieux garçon solitaire. Pourtant il entretenait des liens avec de nombreux écrivain/e/s, musiciens et peintres. Néanmoins, sa "différence sexuelle" comme on disait, n'était que rarement mentionnée.
Extrait de "Air de la solitude".
"Qu'il est donc rapide, le glissement d'une saison moribonde vers la saison future ! Hier encore (il semble que c'était hier), ce grand pays sous le soleil sec de septembre s'abandonnait aux charrues. Elles ouvraient dans l'herbe rase des prairies de longues blessures roses d'heure en heure élargies. A la pointe du dernier sillon, Fernand, l'épaule nue et dorée comme au plein de l'été, une main sur le soc éblouissant, portait de l'autre à ses lèvres une pomme si rouge que le ciel autour d'elle avivait son bleu trop doux. Les chevaux las s'endormaient au repos et leurs crinières, en se penchant vers le sommeil, démasquaient par à-coups le ruban d'horizon, ses pans de collines, ses villages minuscules délicatement dessinés, avec le compte exact de toitures et des arbres, leurs couleurs posées côte à côte sans une bavure, à peine amorties au fond de l'air mûri comme un vin d'or."
Ces allers-retours et l'incompétence des psys permettent de comprendre pourquoi l'attitude de la société n'a pas évolué à cette époque. Gustave Roud ne voilait pas son appréciation du corps masculin dans sa poésie, du moins pour ceux qui pouvaient la déchiffrer, et encore moins dans ses photos qu'il n'a jamais cachées. En revanche, il ne parlait pas de son orientation sexuelle et se privait de la jouissance qu'elle apporte lorsqu'elle est partagée avec des compagnons de valeur. Ses amitiés sincères avec les jeunes paysans de son entourage sont demeurées platoniques.
André
"Je crois que seuls certains états extrêmes de l'âme et du corps :
fatigue (au bord de l'anéantissement), maladie, invasion du cœur par une
subite souffrance maintenue à son paroxysme, peuvent rendre à l'homme
sa vraie puissance d'ouïe et de regard. Nulle allusion, ici, à la parole
de Plotin : "Ferme les yeux, afin que s'ouvre l’œil intérieur". Il
s'agit de l'instant suprême où la communion avec le monde nous est
donnée, où l'univers cesse d'être un spectacle parfaitement lisible,
entièrement inane, pour devenir une immense gerbe de messages, un
concert sans cesse renouvelé de cris, de chants, de gestes, où tout
être, toute chose est la fois signe et porteur de signe. L'instant
suprême aussi où l'homme sent crouler sa risible royauté intérieure et
tremble et cède aux appels venus d'un ailleurs indubitable.
De ces messages, la poésie seule (est-il besoin de le dire?) est digne de suggérer quelque écho."
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2 commentaires:
Bonjour André,
content de lire ton article sur Gustave Roud. Ces images surtout, me rappellent mon enfance à la ferme, avant que la mécanisation n'enlève toute trace d'érotisme. Les travaux des champs étaient durs, mais ils se faisaient en famille et des aides ( oncles, cousins, etc... ) étaient parfois les bienvenus. De ces souvenirs, chastes car très jeunes, j'en garde le meilleurs ;o)
Bien amicalement
Tipol
oui Tipol ! je suis né à la ferme, dans le Jura français, en 1948 , vécu jusqu'a 17 ans! 2ème sur 8 enfants, petite ferme, a 8 ans, traire les vaches a la main, assister a la reproduction avec le taureau ! travail aux champs, foins, moissons, et comme chantait jean Ferrat = sans vacances et sans sortie, mais la montagne est belle !
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