dimanche 8 avril 2012

Ces militants et ces mecs dévoués qui veillent autour de nous

Jean, "le disciple que Jésus aimait".

Dans le billet précédent, il était question de la relation entre les gays et les communautés religieuses. Aujourd'hui, deux tableaux nous parlent de la présence de quelques hommes exceptionnels auprès des malades; et d'accompagnement jusqu'à la fin. Les femmes -- plus courageuses et fortes dans les moments difficiles -- n'ont pas abandonné Jésus condamné comme un malfaiteur. Ses compagnons ont fui pour sauver leur peau. Excepté Jean, "le disciple que Jésus aimait" selon l'Évangile. L'homme âgé, Joseph d'Arimathie, un admirateur, est venu pour accomplir les rites mortuaires par respect envers le Maître.

Mise au tombeau, Le Caravage (fragment).
L'intensité du chagrin des personnages figurant sur les deux tableaux nous fait traverser les siècles. C'est fulgurant. Rogier van der Weyden vers 1436, et Le Caravage en 1603, peignent des gens de leur époque qui expriment la douleur selon leur coutume. En même temps, les deux peintres représentent un événement qui s'est déroulé au premier siècle. Et nous qui connaissons un monde toujours en guerres (même si nous essayons de l'oublier), des massacres de populations, les persécutions politiques et religieuses, les épidémies mondiales et des catastrophes à grande échelle, nous éprouvons aujourd'hui les mêmes émotions que la mère et les amis de Jésus.

Les larmes retenues de Jean furent les miennes, lorsque je me penchais sur le corps défiguré de mon grand amour qui avait été passé à tabac. Il était recouvert d'un drap ténu, rien d'autre, dans ce réduit si froid de l'hôpital où j'allais recueillir son dernier souffle. Le lendemain, je me penchais sur le cadavre encore chaud d'un gars qui était comme un jeune frère, vaincu par le sida. Et il y en eut d'autres ensuite...

Descente de la croix, Rogier van der Weyden.
Tant de gays ont connu et vivent encore des expériences semblables. Ils ont découvert en eux des talents insoupçonnés: infirmier, homme de ménage, psy et directeur de conscience, clown, accompagnateur, agent de conciliation familiale, voire organisateur de pompes funèbres. Et sont devenus des activistes, des militants tenaces.

Aujourd'hui, nous sommes aussi confronté à d'autres épreuves. On vit avec le vih, un défi sur le long terme qui demande beaucoup de courage et de persévérance; ainsi que des amis ayant vaincu le démon des peurs irraisonnées. L'homophobie est devenue plus sournoise, plus difficile à repérer. D'autre part, la patience des anciens combattants est mise à l'épreuve; ils peuvent devenir victimes de la capote-lassitude; ou du suicide, comme les ados. Mais il y a autour de nous des amis tendres et entêtés, ces hommes rares qui veillent comme au temps de Jésus.

André

3 commentaires:

Guy Zulma a dit…

"On vit avec le vih, un défi sur le long terme qui demande beaucoup de courage et de persévérance", dis-tu dans cet article. Moi j'aurais plutôt tendance à dire que -- justement -- si on vit, c'est "contre" le vih : que c'est parce qu'il est là que l'on tente de se maintenir en vie. Pour le combattre, montrer que la Vie est toujours plus forte que la Mort. Et les personnes qui comme moi en sont les hôtes, vivent aussi (inconsciemment je pense mais) pour tous ceux qui ont été (et ceux qui sont encore) terrassés par le virus.

Philippe a dit…

Merci André pour ce très beau message de Pâques, cette petite lumière qui traverse les ténèbres et nous atteint en plein coeur quand on croit que "tout est terminé"... (...Ses derniers mots !)
Je veux croire que ces 2 amis dont tu as accompagné les derniers pas l'ont clairement perçue cette lumière... aussi présente et sûre qu'ils sentaient alors la chaleur de tes mains...
Aussi certain qu'ils se sentent encore portés et bercés par ton amour.
Et moi, aujourd'hui, je te souhaite un beau dimanche.

Philippe

ROGER a dit…

C'est un beau témoignage !
Malgré les progrés de la recherche le VIH reste un fléau et pénible pour ceux qui en sont porteurs , le seul vrais remède c'est la protection on le sait mais j'en convient loin d'être l'amour naturel !