samedi 25 juillet 2009

"Antichrist" (2): bander et éjaculer du sang


Q
u'elles soient favorables ou non, les critiques que j'ai lues sur Antichrist mettent toutes en évidence les "provocations" du film, les inserts "pornographiques", les visions oniriques "grotesques", la fin "gore" en nous les détaillant, ainsi que le drame du début. Si bien que le spectateur s'installe dans
son fauteuil déjà bourré de préjugés... Le bref gros plan de pénétration au début illustre pour moi un instant de plénitude parfaite; le couple dont nous allons suivre le parcours de crise fait l'amour, magnifie la vie alors que se déroule près de lui un drame qui va le bouleverser -- Éros allié à Thanatos (et non pas bite en chatte)...

Plus loin, ce que les détractrices analysent comme l'hystérie sexuelle de la femme et la froideur indifférente du mari (qui seraient redevables toutes deux à la misogynie du metteur en scène) me paraît tout autre. J'y vois un être humain traversant une zone de tous les dangers: sa propre dépression. La femme et l'homme représentent sa part féminine et sa part masculine: 1) ses périodes d'abandon à la folie et aux noirs mystères dont le malade et l'artiste attend(ent) des révélations, 2) ses passes de rationalité froide où il croit pouvoir gérer lui-même le mal, sans accorder du temps au temps.

Je ressens les mutilations sanglantes de la fin comme une tentative de se débarasser du malaise qui lui pourrit la vie, se débarrasser de sa sensibilité femelle exacerbée, de sa dureté de mâle qui bande encore et éjacule du sang alors que sa
compagne lui a effectivement brisé les couilles... Comme l'ont fait certains critiques après la projection du film à Cannes, qui l'enjoignaient de s'expliquer. "Lorsque je montre un de mes films dans un festival, c'est moi que je montre. Je n'ai pas à me justifier."

A la manière d'une dépression surmontée, Antichrist est une traversée vers la nudité de l'âme dans une forêt pernicieuse nommée Éden que la caméra (époustouflante) traite presque comme une image en négatif. Un renard qui traîne sa blessure ouverte s'exclame: "Le chaos règne!", renard que Lars von Trier dit avoir rencontré au cours d'une transe chamanique, il y a une dizaine d'années... Une traversée douloureuse aussi pour le spectateur s'il accepte de se laisser gagner par le vertige. Car Trier dépasse la plupart des auteurs en nommant l'innommable, courageusement, pour partager l'expérience avec ses frères.

Ulysse

3 commentaires:

Louise a dit…

Votre lecture du film m'intéresse, je n'y avais pas pensé. C'est la douleur qui me frappe; LvT me dit qu'elle est liée à toute vie. L'aria de Rinaldo de Händel qui nous accompagne au début et à la fin du film donne le ton, comme les images n/b au ralenti. En tant que femme, je suis d'accord que le thème n'est pas la misogynie, mais bien une misanthropie fondamentale: selon LvT l'être humain n'a pas sa place dans ce monde. Et pourtant...

Axas a dit…

S'il faut absolument que je voie une mutilation sexuelle, je veux qu'au moins cela m'éclaire sur ce grave problème, et pas qu'on me transforme en voyeur.

Damstounet a dit…

Film a voir je crois...
et les fotos du film ont beaucoup de charme je trouve...