En 1951, une femme de talent se glisse dans la peau d'un homme de stature physique et intellectuelle imposantes qui vécut entre 76 et 138 de notre ère. Et elle écrit ses mémoires. Imposture? Sa chance: les notes que Publius Aelius Hadrianus avait prises durant sa carrière n'ont jamais été retrouvées.
Une exposition consacrée à l'empereur romain Hadrien se tient actuellement au British Museum. Comparez l'Italie d'aujourd'hui -- dont les citoyens ont élu cette flétrissure liftée de B. -- avec la Rome du IIe siècle, située au coeur d'un empire qui s'étendait de l'Ecosse actuelle à l'Irak (la Mésopotamie). L'ambition de l'exposition londonienne: montrer "toutes les facettes" du règne d'Hadrien (117 à 138), "la grande puissance civilisatrice, mais aussi l'impérialisme brutal". Les lecteurs des Mémoires d'Hadrien, sous la plume de Marguerite Yourcenar, sont familiers de l'homme cultivé et pacifique. Des découvertes récentes révèlent cependant que l'empereur amoureux des femmes et des adolescents était un chef de guerre redoutable.
Ses ancêtres avaient participé à la conquête de la péninsule ibérique, s'y étaient installés et y avaient amassé une fortune dans le commerce de l'huile d'olive. Le père d'Hadrien, un sénateur bien introduit à Rome, meurt lorsque l'enfant est âgé de 9 ans. L'orphelin est pris en charge par un certain Trajan qui deviendra empereur douze ans plus tard. Les goûts de l'adolescent le portent vers la culture grecque et la chasse. Rome étant dirigée par une caste militaire, la carrière d'Hadrien se développe dans l'armée et l'administration des territoires. Il porte une barbe, signe d'indépendance à cette époque -- ou était-ce pour cacher des marques de vérole, selon un historien romain?
Empereur (97-117), Trajan mène une politique d'expansion brutale. Alors qu'il est en Mésopotamie [aujourd'hui l'Irak], et que sa campagne tourne mal, il tombe grièvement malade et meurt, désignant Hadrien pour successeur. Le nouvel empereur décide un retrait immédiat des troupes et s'applique à consolider l'empire. En Judée, il écrase la révolte des Juifs dans un bain de sang. "585'000 personnes furent tuées dans différents engagements et batailles, écrit Cassius Dio. Quant à ceux qui périrent de faim, de maladie ou par le feu, on n'en connaît pas le nombre." Certains lieux de tension du globe n'ont pas changé depuis...
Il faudrait aussi décrire Hadrien l'architecte. Et bien sûr l'amant -- ambigu peut-être -- du bel Antinoüs qui périt noyé dans le Nil. Accident? Suicide du jeune homme qui se serait offert aux dieux pour implorer la guérison de l'aimé? Ou bien, l'empereur aurait-il fait assassiner son catamite dans une crise de jalousie? Sur son lit de mort, huit ans après, Hadrien rédige un court poème.
Animula vagula, blandula
Hospes comesque corporis,
Quae nunc abibis in loca
Pallidula, rigida, nudula,
Nec, ut soles, dabis iocos...
Petite âme voyageuse et tendre,
Hôte et complice de mon corps,
Dans quel lieu te rends-tu
Pâle, dur et mélancolique,
Où tu ne feras plus tes blagues?
|| UlysseHôte et complice de mon corps,
Dans quel lieu te rends-tu
Pâle, dur et mélancolique,
Où tu ne feras plus tes blagues?
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