jeudi 14 août 2008
L'homme est un livre d'images inaltérables et les JO rendent fou
Pendant que les Jeux se déroulent à la barbe des Chinois qui, dans les villes olympiques, sont empêchés de circuler, travailler et cracher -- soit vivre normalement -- on peut vérifier que le monde est devenu fou à lier. Les grasses huiles du CIO, bien sûr, et les autorités chinoises aussi, qui partagent les mêmes intérêts et le même manque d'humour.
Quant aux simples pékins, ils expriment doucement leur point de vue sur cette folie. Ils en ont marre du battage fait autour de la manifestation à laquelle ils ne sont pas conviés (à moins d'avoir été désignés volontaires, flics ou bétail de compétition).
Et ils le disent de manière subtile. Par exemple, en tondant la tête des bouts de choux au rasoir. C'est, pour les mômes, une première expérience de modification de l'image corporelle en même temps que de liberté d'expression. Les Chinois branchés expriment leur raz-le-bol dans les blogues et au cours de fêtes privées. Là, ils inventent des jeux de mots très drôles, paraît-il (et intraduisibles), pour caricaturer la manière dont la propagande concernant le grand avènement des Jeux les bassine depuis des années.
On peut imaginer que les tatoués et les piercés qui "démontrent leur ferveur patriotique" [selon la propagande] en choisissant des motifs d'actualité olympique, raillent eux aussi la dévotion imposée... Liu Ming, 44 ans, a fait ajouter les anneaux et le logo des JO (sur son front) et la flamme (sous l'aisselle gauche) aux 200 tatouages qui ornent ou défigurent déjà son corps. Sa femme l'a quitté, cela ne l'empêche pas de continuer et d'endurer patiemment les vibrations de l'aiguille.
Pour ceux qui s'en couvrent, les tatouages et les piercings représentent, entre autres, des évènements privés ou publics qu'ils veulent fixer sur leur chair. Un album illustré qui vibre avec les battements de leur coeur. Une manière de retenir le temps par un souvenir, de l'éterniser. Et c'est malheureusement dans la laideur.
Avec ses perçages temporaires, le docteur Wei Shenghu, acupuncteur, inscrit sa ferveur sportive dans l'immatériel et le gratuit, en même temps que le publicitaire. Comme le tatouage, ce genre de marque séduit, étonne ou repousse. Mais attire immanquablement le regard, induisant la rencontre et distinguant l'individu des autres humains. Devant l'une des gares de Pékin, on voit Wei présenter les drapeaux de toutes les nations participantes, plus la torche -- tout cela bien planté dans son crâne et son front. L'acupuncture paroxystique.
Wei Shenghu s'est entraîné chez lui, à Nanning dans le sud, en s'enfonçant 2008 punaises aux couleurs des anneaux olympiques sur la tête, dans les épaules, la poitrine et ailleurs. Il vise le livre des records.
On peut se demander si ce type de piercing apporte, comme d'autres, un plaisir sadomasochiste et des sensations nouvelles, ou si l'acupuncteur ressent plutôt un frisson exhibitionniste mercantile.
|| Ulysse
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