mercredi 27 août 2008

Un remariage sans divorce ni mort préalables


Un très cher ami s'est remarié la semaine passée, c'était un mariage d'amour et de raison. Mais d'abord, comment qualifier notre amitié? D'autant que je puisse en juger, elle a commencé sans que nous nous en rendions compte. Pudiquement, même si nous sommes très directs dans nos conversations, n'éprouvons aucune gêne à nommer les choses par leur nom, à aborder les sujets embarrassants, mortifiants même pour la fierté mâle.

C'est bon d'avoir un tel ami.

Nous nous voyons une fois par semaine. Certains problèmes ne font pas surface avant longtemps, car celui que cela concerne veut être sûr de son coup -- ou du moins assez lucide -- avant d'en parle
r à l'autre. Pour atteindre mon âge, il faut doubler le sien. L'écart nous offre des perspectives différentes sur la vie. J'admire sa faculté de tenir la ligne dans les projets (que je suppose) essentiels pour lui, tout en modifiant à vue le parcours. Sur un coup de tête, il peut changer d'habitat, de pays, de manière de vivre (ou de s'alimenter) tout en restant fidèle à sa vocation.

Cet ami s'est
remarié avec l'homme qu'il appelle son "mari" depuis qu'ils se sont pacsés il y a quelques étés. [Note à l'attention des revenants: dans ce type de couple, il y a deux maris; inutile de se demander qui "fait la femme", compris?] Le premier contrat de partenariat des deux gars était d'ordre cantonal. Le "pacs" national que les citoyens de ce pays ont approuvé depuis, par votation, est une version améliorée; le couple a donc fait les démarches pour l'obtenir. La semaine dernière, durant la signature, le fonctionnaire d'état civil s'est étonné que les deux hommes soient venus sans accompagnants, disant: c'est une fête de la joie, elle mérite d'être partagée!

La première cérémonie de "mariage" rassemblant les deux familles, dont beaucoup de parents venus de loin --
géographiquement, mais aussi en ce qui concerne la culture et la religion -- s'était déroulée de façon chaleureuse, sans qu'aucun préjugé ne ternisse la joie. Alors, pour son deuxième contrat, le couple a choisi l'intimité, connaissant par expérience tout ce que cet engagement contient d'émotion et d'interrogations, l'un vis-à-vis de l'autre.

Gay, homos, pédés: vous pouvez nous appeler comme vous voulez; proportionnellement à celui de la population totale, notre nombre n'a pas augmenté depuis cinquante ans. Mais nous sommes sortis du bois. Cela, grâce aussi à celles et à ceux qui nous ont soutenus ou... combattus. Les gens que cela effraie veulent maintenant nous interdire l'accès au "vrai mariage", imaginant (on ne sait par quelle phobie) que cela ternirait le leur. Ces deux hommes ont passé devant l'état civil pour manifester l'un à l'autre et devant le monde qu'ils veulent s'aimer, se respecter et se soutenir sous le soleil et sous la pluie. Comme les autres. En s'engageant, ils se sont probablement demandé si cela durerait jusqu'à ce que la mort les sépare. Comme les autres.

|| Ulysse -- Photos empruntées à Tenacious Alabaster Fig, blogue de Ricola.

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