lundi 30 novembre 2009
Le voile de l'ignorance est tombé sur la Suisse
Ainsi donc, le peuple de veaux auquel j'appartiens -- cette bande de cloches qui tient à ses clochers comme les vieilles couilles pendent à leur prostate -- a voté contre l'érection de nouveaux minarets. Comme le clamait hier un Kabarettist autrichien, les Suisses ont réussi l'exploit de rester neutres dans les conflits mondiaux tout en comptant quand même des criminels de guerre. "Et le parti populiste de l'UDC nous envie encore Jörg Haider, pour son charme masculin irrésistible et son amour de la musique alpestre." Typique suisse: on veut bien des mosquées, mais rien qui dépasse. On veut bien, mais faudrait pas exagérer quand même... Du reste, L'Union démocratique fédérale, le parti des "valeurs chrétiennes, valeurs d'avenir", nous a tous rassurés: "Les minarets sont superflus à l'exercice de l'Islam". La même UDF nous avait prévenus, en 2005, que la légitimation du partenariat enregistré entraînerait "la banalisation de l'homosexualité" et qu'il fallait "préserver l'institution du mariage". Pourquoi? Parce que, "contrairement à ce que certains croient, le mariage a encore de beaux jours devant lui."
Cela fait de nombreuses années que les citoyens suisses perdent un pan après l'autre de leurs illusions sur la l'efficacité de leurs entrepreneurs et de leurs dirigeants. Et se demandent: y a-t-il un pilote à bord? Ou plutôt: qu'est-ce qu'y foutent dans le cockpit? Alors: les minarets, c'est juste une manière d'exprimer notre mauvaise humeur. On s'escuse qu'ça tombe sur vous, faut pas trop nous en vouloir...
Les femmes et les hommes qui se sont installés dans les cabines de pilotage, dans les conseils des entreprises et des banques, dans les intendances gouvernementales, ils sont tous taillés dans le même bois que le reste de la population. Médiocres, myopes, pressés et paresseux comme des lavements, ne prenant pas le temps d'exercer un esprit prospectif, rongés de petites rognes les uns contre les autres. Et surtout: incapables de comprendre que la générosité (de pensée et d'action) multiplie les bénéfices pour chacun. C'est comme ça!
Dans le numéro d'automne d'Hétérographe, "revue des homolittératures ou pas" [cliquez!], Maxime Cervulle qui vient de traduire le livre clé d'Eve Kosofsky Sedgwick Épistémologie du placard [cliquez!] parle de cette grande penseuse du queer. Il écrit: "Le bal de l'ignorance, où les mensonges par omission sont cousus main, apparaissait parfois sous sa plume tel un mode de légitimation informel de la violence sociale: lorsque le voile de l'inconnaissance sert à fermer les yeux sur les formes ordinaires de l'homophobie, du sexisme, de l'antisémitisme ou du racisme. Elle parlait ainsi d'un privilège de l'ignorance pour désigner l'acceptation tacite de la reconduction des processus d'oppression."
Ulysse
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