lundi 5 juillet 2010

Les Services secrets suisses, c'est Dupond et Dupont


L
a gabegie des services secrets suisses est une fois encore critiquée. Deux souvenirs me reviennent à la mémoire... Novembre 1964 (Nikita Khrouchtchev vient d'être éjecté du pouvoir): je me rends en Union soviétique par curiosité. Le voyage organisé (non politique) est avantageux. Train jusqu'à Vienne, avion jusqu'à Kiev. Visites sans intérêt si ce n'est pour prendre la mesure de la désolation. Puis Moscou: Même constat, mais places assises pour assister au défilé militaire de la fête de la Révolution d'Octobre. A l'hôtel, chambre à trois que je partage avec des inconnus qui, cela tombe bien, sont amants. Hors des visites guidées, je me rends le samedi après-midi aux bains publics -- au
hammam. L'établissement se trouve dans un ancien palais. A la caisse, on achète un petit morceau de savon gris et des branches de bouleau dont les feuilles ont séché. Longue queue d'attente dans l'escalier. L'occasion de dévisager et sentir les "camarades" de près. C'est leur décrassage hebdomadaire.
Hammam russe
au début du siècle dernier.
Au vestiaire, on pend ses vêtements à un clou, le bout de drap qui servira à se sécher aussi. Puis tout se déroule à poil dans une complicité physique chaleureuse. On se savonne et se frotte mutuellement. On joue à la pyramide humaine dans le bassin d'eau tiède, trois hauteurs de mecs qui grimpent les uns sur les autres et s'écroulent en tas quand l'acrobate qui voulait se hisser sur les épaules du troisième étage perd l'équilibre. A la sortie, des types m'embrigadent pour faire la bringue dans un restaurant flottant. Saumon fumé et champagne aux frais du p'tit Suisse. Accordéon, chansons de plus en plus avinées. Un poète soûl récite du Pasternak (interdit) à haute voie. Sifflements de la police: les flics vident l'établissement (heure de fermeture) et s'assurent que chaque soûlon sera bien ramené à domicile par un camarade. Il a neigé, il gèle, c'est deux heures du matin.

Retour en Suisse. Train de nuit Vienne-Bâle. Douaniers, police: "D'où venez-vous?" Moi: "De Vienne". Les autres voyageurs du groupe, très fiers: "De Moscou". Tous leurs passeports sont ramassés et redistribués vingt minutes plus tard. Le temps de les ficher... Jeune stagiaire journaliste (plus de lait que de sperme derrière les oreilles), je publie une enquête sur les travailleurs espagnols en Suisse, tuyauté pas un avocat réfugié du régime franquiste. Ces gens sont surveillés par trois filières: 1) le gouvernement de Franco, 2) leur syndicat national, 3) leur ambassade à Berne. Plusieurs lettres de dénégation arrivent à la rédaction. Celle de l'ambassade et celle d'un médecin lausannois qui a épousé une Espagnole sont identiques... Deux fonctionnaires des services secrets suisses (très Dupond et Dupont) me rencontrent dans un bistrot et me proposent de travailler pour eux. Autour d'une tasse de thé (budget serré), ils me demandent pour commencer de leur procurer les brochures en espagnol qui se trouvent à disposition dans la librairie d'à côté! J'en parle à mon rédacteur en chef qui m'explique ce que signifie l'indépendance de la presse, notion encore vivante à l'époque...

Ulysse

2 commentaires:

Thomas a dit…

L'aisance du rapport corporel et amical entre ces hommes dans le hammam me donne la nostalgie d'un passé que je n'ai pas connu. Je n'ai pas de frère, ni de cousin proche et en tant qu'hétéro ce type d'amitié masculine me manque. Les hommes que je fréquente ne se livrent pas facilement, sinon lorsque cela va très mal pour eux, lorsque c'est trop tard... Je suis probablement comme eux. Sans vouloir vous offenser, je pense que l'arrivée des gays sur le devant de la scène nous a rendus encore plus méfiants les uns envers les autres dans le rapport corporel qui faciliterait pourtant la confiance entre nous. Les femmes que je connais n'expriment pas le même malaise. Quand aurons-nous le courage de dépasser cette peur de toute expression "homosensible"?

Damstounet a dit…

Justement le fait que les gays ait " aggravé " cette méfiance come vs dite est peut ètre pr les hétéros le prélude a son dépassement...

voila une occaz' a saisir !

ms peu tètre pr y arrivé faut til dépassé la fameuse norme hétéro... ^^