lundi 6 juin 2011

Un sportif quitte sa femme pour vivre avec un homme

Michelangelo, vers 1505.

Vendredi à Soleure: l'éclairage d'Alain Claude Sulzer sur l'homosexualité au milieu du siècle dernier. Samedi un coup de projecteur féminin sur un couple gay. Nous sommes aux Journées littéraires de la petite ville alémanique; un bon millésime, du soleil sur les terrasses au bord de la rivière, beaucoup de lectrices (sept pour un lecteur) au coude-à-coude avec les romancières et romanciers.

D'abord un Witz suisse (une plaisanterie): La maîtresse d'école demande aux élèves quelle profession leur père exerce. Une gamine se lève: Min Papi ischt Täblerdäncer in am Schwulenlokal -- mon papa danse sur les tables dans une boîte gay. C'est pas vrai, dit la maîtresse, je connais ton père. Oui, dit la fillette qui se met à pleurer, mais quand je dis que mon papa est directeur de l'UBS [plus grande banque de gestion de fortune en Europe], tout le monde se moque ou est méchant avec moi; c'est tous de ratés...
Picasso: autoportrait avec nu, 1902.

La plaisanterie figure dans "Bevor ich schlafen kann" (Avant que je puisse dormir) de la romancière autrichienne Monika Helfer. Page 1: Josefine Bartok est psychiatre dans un hôpital viennois. Le chirurgien qui va amputer ses seins (cancer) veut donner la forme de deux étoiles à ses cicatrices. Elle choisit des croix. Page 2: Tomas, le mari de Josefine, dirige un fitness. Il découche depuis un certain temps. Comment cela pouvait-il arriver, se demande-t-elle qui, très lucide sur les malheurs de ses patients, est peu experte sur ses propres difficultés -- c'est ainsi dans sa profession et celle des cordonniers. Page 14: Dans son entourage, on essaie de diminuer Tomas. Pourtant, après tant d'années de mariage et deux enfants adultes, elle ne se lasse pas d'admirer le corps de son mari. Ce n'est pas un intello, mais il analyse les situations avec rapidité. Ils étaient au Café du Théâtre et observaient un couple à la table voisine. Immédiatement, Tomas a dit: ils ont pris rendez-vous sur l'internet, c'est leur première rencontre et elle n'aboutira à rien. L'homme avait rapidement quitté le café et la femme pleurait; Josefine lui avait tendu un mouchoir en papier, le même geste que pour ses patients.
Un couple se défait, un autre naît.

Page 15: Tomas n'a plus donné de nouvelles depuis deux jours et le voilà qui rentre avec un certain Edgar, dit "Il est mon ami, il veut te parler" puis s'en va. Edgar répète qu'il est l'ami de Tomas: "Et avec ça tout est dit". Josefine imagine que son mari couche avec la femme d'Edgar et qu'il lui propose à elle de devenir la maîtresse de son "ami". Échange standard, tout finirait bien pour les deux hommes. "Est-ce que vous comprenez ce que je veux dire?" demande Edgar. Josefine répond que oui, mais c'est non. Après quelques allers-retours, Edgar lâche le morceau: "Tomas et moi. Nous avons une relation homosexuelle. Elle dure depuis un an." "Je ne le crois pas," dit Josefine. Tomas revient et crie: "La vie est plus compliquée qu'on ne le souhaiterait, malheureusement, ma chérie!"... Un cancer, une séparation. Josefine essaie de s'endurcir en mettant des habits de mecs. Ses enfants et le couple Tomas-Edgar lui offrent des vacances en Grèce pour prendre le temps de se reconstruire. En Autriche, on sait vivre!

André

4 commentaires:

Unknown a dit…

j'm

Nemed a dit…

Puisque les bisexuels commencent à vraiment sortir du bois, il est important qu'on écrive sur le sujet pour y réfléchir en public. La cause des homosexuels était douloureuse, mais relativement claire. Les bi doivent tracer le sillon de réflexion des deux côtés, qui leur sont jusqu'à maintenant plutôt hostiles. Dans le cas d'un homme qui veut fonder une famille avec une femme qu'il aime et respecte, tout en cherchant un type d'intimité avec un ou des hommes, cela demande l'éducation des deux pôles pour qu'ils puissent le respecter et se détacher de la possessivité si toxique, qu'on tolère encore dans le couple. Vive la révolution! Elle sera aussi utile aux autres.

paul a dit…

Un de mes amis "avec bénéfices" dit qu'il peut tomber amoureux seulement des femmes et qu'il préfère la baise avec des hommes. Sa copine était d'accord, il l'a épousée, ils ont fait un enfant et maintenant elle accepte plus qu'il voit des mecs. Elle dit que c'est ses hormones. Moi j'appelle ça "les dents de la mère", le vagin dentelé, le piège qui se referme sur un pauvre type qui voulait la jouer honnête.

André a dit…

Une anecdote pour vous Nemed. Interrogée par le journaliste qui la présentait devant le public, la romancière Monika Helfer a précisé qu'elle avait prévu que Tomas le mari infidèle quitterait sa psy d'épouse pour une femme plus jeune. C'est au moment d'écrire la scène que le virage homosexuel s'est imposé à elle. Ma conclusion: ce sujet est dans l'air du temps, comme vous le réclamez, les écrivains sentent ces choses, même s'ils ne peuvent l'expliquer.