mercredi 26 octobre 2011

Une retraite en Thaïlande, entouré de money-boys

Du fric pour les voir danser ou les inviter.


Il avait terminé sa journée de travail à 14 h. Il avait garé son camion à quai, cul contre la porte 14. Il partait timbrer et se changer lorsque nous nous sommes croisés. J'allais interviewer son chef. "T'en as un gros paquet dans le sac," m'a-t-il dit pour commencer. "Je t'ai vu à la télé. Moi, j'aurais pas osé. Surtout pas à ta place..." Je ne le connaissais pas, il m'avait vu passer et lisait le mensuel du personnel que je rédigeais.

Puisqu'il me tutoyait, c'est qu'il était aussi pd ("gay" n'était pas encore en usage au début des années 1980). J'avais participé à une émission sur le sujet; la première où les mecs se présentaient sans masque. J'avais demandé qu'on note mon nom au bas de l'écran, et mon rôle de président d'un groupe homo. Ainsi les phobes sauraient qu'ils ne regardaient pas la Caméra invisible.

Coulisses du spectacle.
Vacances pour les deux.
Il m'a demandé si je passerais chez lui un soir en quittant le boulot: il avait un service à me demander. Ce que j'ai fait. Il m'a parlé de ses vacances; toujours en Thaïlande, au bord de la mer. M'a montré les photos de ses petits copains là-bas. Ils travaillait dans des bars ou des boîtes. Lui payait une redevance au patron pour faire sortir le money-boy qui allait vivre avec lui durant son séjour. Le Suisse et le Thaï communiquaient dans un anglais rudimentaire, ce qui facilitait la communication: pas besoin de se creuser la cervelle pour trouver des sujets de conversation. "Good - no good -- more?" Sinon eating, swimming, shopping and fucking. Tournée des bars le soir; rencontre avec d'autres francophones et leurs jeunes accompagnateurs. Versions originales sous-titrées dans les deux sens. Des petits gars propres, souriants, pas compliqués, et jamais sans capote même pour une fellation, précisait-il.
Jamais sans capote.

Sa demande était simple. Que je l'aide à rédiger des lettres plus détaillées que les cartes postales habituelles pour expliquer les détails de sa prochaine venue à l'un, et le versement d'argent à un autre qui se rendait au chevet de sa mère malade... Le chauffeur et moi travaillions dans la même entreprise.

J'ai rempli mon office d'intermédiaire pendant quelques années, puis mon bureau a été déplacé et nous nous sommes perdus de vue. Son projet était de prendre une retraite anticipée pour passer la majeure partie de l'année en Thaïlande. Je me demande s'il l'a réalisé; s'il a survécu à l'inactivité, à l'alcool et à d'autres périls.

André

4 commentaires:

Unknown a dit…

J'ais jamais compris pourquoi les gens allaient chez les prostitué(e)s. Et je suis toujours resté dubitatif aux arguments fournis, car j'y est surtout vu un sentiment d'errance dans la solitude, de l'égoïsme, des relations sociales superficielles et dont l'argent peut donner l'illusion que l'on a quelque chose.

ANTHRÔPOS a dit…

D'excellents post merci, André!

Philippe a dit…

Vous avez peut-être raison Erich...
Moi, ce que je n'ai jamais compris, c'est qu'on puisse apprécier le football, jouer aux cartes, aller dans les discos... qu'on ne puisse s'empêcher d'aller faire du shopping, même le dimanche... qu'on aime la fondue ou la soupe à l'oignon... Et ce que je ne supporte tout simplement pas c'est qu'on m'inflige chaque année, (ça va commencer !) tous ces Pères Noël en vitrine ou suspendus aux balcons !!!...
Pour ce qui est d'"aller aux putes", je n'ai encore jamais essayé. Mais je ne le crie pas trop fort parce que je me dis que, vu mon âge avançant inexorablement, mes désirs persistants inexplicablement et surtout, mes appâts déclinants dangereusement... je risque bientôt de me trouver dans une situation où l'opinion que je pourrais avoir de "la chose" et ma tolérance à son égard deviendraient toutes deux très relatives...

Vous n'avez visiblement pas ce souci... Je vous envie !

Philippe

Erich Pereres a dit…

Philippe, je compatis à votre souffrance.

Pour le reste, l'appréciation des hobbis relève de causes multiples personelles à chacun. En disant cela je n'ais pas dit grand chose mais le maximum qui puisse être fait en quelques lignes.