Explorer l'enfer avec la langue : c'est macho, pas sans risques -- merci Michael !

La déclaration de l'acteur Michael Douglas au quotidien The Guardian dimanche dernier concernant son cancer de la gorge marque une étape dans la libération du discours sur la sexualité. Comme l'apparition du sida, qui avait propulsé la capote dans les conversations familiales, ou l'affaire du président Clinton avec sa stagiaire qui avait provoqué le divorce entre pipe et tabac. Ce cancer contracté il y a trois ans, les gazetiers l'attribuaient à ses addictions à la cigarette et à l'alcool. Or, après avoir présenté le film Behind the Candelabra à Cannes, dans lequel il incarne avec finesse le pianiste Liberace, plus grande folle du clavier, Douglas a réalisé un splendide numéro d'équilibriste -- à l'américaine. Analysons.

Michael Douglas, le 25 mai dernier à Monaco.

1 -- Selon l'acteur, son cancer aurait été causé par la variante de type 16 du HPV (papillomavirus humain) contractée durant sa pratique du cunnilingus. Or le lèche-minou n'était pas considéré comme une activité sexuelle très virile jusqu'à la fin du siècle dernier. Bien menée, la défonce au marteau piqueur devait suffire à contenter Madame qui, elle, s'activait oralement sans rechigner. Une relative libération sexuelle est passée par là. La preuve: le cunnilingus figure comme la pipe dans chaque film porno hétéro. Et les gars récupèrent leur machisme perdu en parlant de leurs prouesses au lieu de partager la parole avec leur femme.
2 -- De leur côté, les gays qui s'activent oralement sur tout l'entrejambe se sentent ragaillardis par la déclaration publique de Michael Douglas. Ils présument que l'acteur a aussi passé du recto au rectal, ce qui augmente les risques de contamination. Imaginez toutes les configurations que l'on peut trouver dans une partouze où les figurants passent d'une muqueuse à l'autre, celles d'en-bas et d'en-haut, et d'une personne à l'autre. [La majorité des femmes et des hommes qui se lancent joyeusement dans le champ de la sexualité attrapent au moins une variante du HPV, la plupart sans le savoir, ni en souffrir, bien qu'ils soient contagieux.] Et s'il s'y ajoute la consommation d'alcool, de drogues et de cigarettes, il y a de forts risques que leur immunité naturelle soit diminuée. Ce fut probablement un facteur important dans le cancer de Michael Douglas.
2 -- Ce que l'acteur efface du tableau pour faire oublier sa période de défonce. De même qu'il utilise sa "confession" pour remettre à flot sa réputation d'hétéro après ce film où il est entré avec tant de talent dans la peau d'un pédé. Hétéro, il l'est certainement, mais pas gentleman. Ayez une pensée de compassion pour son épouse Catherine Zeta Jones -- qu'elle soit la cause involontaire de l'infection où qu'il s'agisse d'autres partenaires...

3 -- Certes, l'interview de l'acteur aura alerté beaucoup d'hommes au risque d'un cancer de la gorge dont on a moins parlé que de celui du col de l'utérus. C'est l'aspect courageux et solidaire de sa déclaration. Il ne faut pas oublier non plus le cancer anorectal ni celui du pénis provoqués par une contamination HPV. Rendez-vous sur Wikipedia!
4 -- L'interview met aussi en évidence une autre réaction de notre société face à des maladies telles que le sida ou le cancer. C'est que certains malades sont coupables de ce qui leur arrive et nous doivent une explication. Ah, t'as un cancer parce que tu fumais comme un pompier! Ah, t'as un sida parce que... Alors que d'autres malades peuvent se sentir innocents et injustement atteints. À ce jeu-là, Michael Douglas échappe à l'accusation d'abus de produits toxiques et devient la victime de sa sexualité enflammée. C'est un splendide retournement de situation, tels que les conseillers "en image" savent concocter.

André

P.S. Case des hommes reviendra sur les périls du HPV et l'inconscience de certains médecins en ce domaine.